vendredi 30 janvier 2009

96 - Mon panache

Vidéo : "Je suis LA Littérature"

Si j'ai quelques sincères laudateurs, j'ai également des détracteurs, ce qui n'est certes pas pour me déplaire. Les duels sont stimulants, divertissants, salutaires. Mais surtout, les coups reçus font chanter mon armure.

A mes détracteurs,

Vous évoquez avec une canaille éloquence le nom de celui qui n'a pas eu l'heur de vous plaire... Si la dignité de mon front vous offense, si la hauteur de mes vues vous dérange, si la majesté de ma tête vous indispose, bref si ma personne entière vous est chose peu aimable, je ne manquerai pas de croiser avec vous la plume pour mieux rehausser mes couleurs et faire briller et mon nom et ma particule. Mes plus chers lauriers.

Je mésestime ces manières infâmes que vous avez de me considérer, propres à la plèbe. Je ne suis point de ce monde. Dans le coeur, dans l'esprit, je suis plein de noblesse. Imbu de ma personne pensez-vous ? Certes, je suis fier. Est-ce donc péché que de s'aimer à ce point ?

J'incarne noblesse, poésie, rêve. Mais encore aristocratie oisive et pédante. Je prétends faire partie d'une élite : l'espèce française. Je suis froid, hautain, arrogant. J'ignore modestie, docilité, bassesse. Plein d'idéal, je donne des leçons à mes semblables moins fortunés, moins titrés, moins valeureux que moi.

Je ne vous interdis nullement de vous ébaudir en ignoble société, ni de ripailler comme des romains ou bien d'accoucher de la pensée la plus basse qui soit. Cela est votre intime liberté. C'est la mienne également que de me mieux plaire loin de votre univers malséant. Les dentelles et la soie siéent mieux à ma vie que vos petites vérités temporelles et prosaïques.

Il est vrai que je n'ai guère d'indulgence pour la gent déchue qu'est la populace. Je méprise avec beaucoup de conviction tout ce qui ne vole pas haut : les sensibilités populaires, la religion du matérialisme, le culte du plaisir immédiat, toutes ces quêtes temporelles, alimentaires, horizontales (tels que confort matériel, sécurité de l'emploi, assurances en tous genres). Ces affaires domestiques chères à mes contemporains ne sont qu'hérésies, bassesses, insignifiances. Moi je parle des dentelles mais surtout des richesses subtiles de l'âme.

Les nécessités temporelles tels que le boire et le manger que mes semblables prennent tellement au pied de la lettre ne me touchent guère, tant il importe avant tout de donner la parole à la poésie. Je n'ignore pas que les gens ordinaires sont assoiffés de prosaïsme. C'est certes leur droit et je ne leur ôterai nullement cette piètre liberté. Mais les ânes ne savent pas chanter, et le bel oiseau que je suis est bien obligé de le faire à leur place.

Qui, si je ne me faisais l'apôtre de la légèreté, de l'esprit, de la cause poétique prendrait la parole à ma place pour dénoncer la lourdeur, le prosaïsme du monde ? J'ai le courage de porter haut mon épée, ma particule, mon mépris. Je ne suis pas d'un commerce facile. Je ne flatte pas ceux qui m'écoutent. Je ne défends pas vos causes pitoyables. Là n'est point mon rôle. Ma véritable affaire en ce monde consiste à éclairer les esprits et enrichir les coeurs. Dont les vôtres, mes chers détracteurs.

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